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Tarentaise

La Tarentaise

En Tarentaise, le colonel de Galbert réorganise son dispositif en faisant permuter les 7e et 27e BCA. Le 13e BCA reste toujours en place au centre du dispositif.

Patrouille de la SES du 13e BCA

Au 7e BCA chaque compagnie possède une section d’éclaireur skieurs et le lieutenant Wolf commande celle de la 3e compagnie. Il reçoit la mission de s’emparer du col de Forcle, qui offre une vue sur le vallon du Reclus et une partie du dispositif de défense ennemi. Le 23 mars, la section se prépare dans un chalet entre le Combottier et le Clapey. Les crampons sont préférés aux skis car la neige est très dure. A la tombée de la nuit, la SES se met en route en colonne par un. La montée est longue et pénible bien que la neige porte. Arrivé près de l’objectif, le lieutenant arrête ses hommes. Un igloo est repéré en contrebas ainsi qu’une sentinelle. Rapidement celle-ci est maîtrisée, puis ses camarades subissent le même sort. Les Français encerclent les autres igloos et lâchent quelques rafales d’intimidation. Les Italiens ne tentent aucune résistance et se rendent. Le sous-officier allemand qui les commande n’hésite pas à se lancer dans la pente pour échapper à la capture. Les éclaireurs ouvrent le feu, tuant l’homme. Le lieutenant Wolf récupère son pistolet et sa croix de fer accrochée sur sa poitrine, comme prise de guerre. Les français s’installent dans les positions tandis que les douze prisonniers sont évacués sur l’arrière.

 

Le Roc-Noir

La Crête allant du Roc-Noir au Mont-Valezan est l’objectif du 13e BCA. C’est la clef du col du Petit-Saint-Bernard. Le commandant Héritier, chef de corps du 13e BCA, organise son plan d’attaque. La SES du lieutenant Lissner et la section de l’adjudant Chevassus de la 3e compagnie, vont tenter d’enlever par surprise le Roc-Noir, soutenues par la section de mortiers du lieutenant Désir.

Le 23 mars à 6h30 l’artillerie et les mortiers ouvrent le feu sur le Roc-Noir, le col des Embrasures et la Redoute Ruinée. Les Allemands, surpris par ce pilonnage, se terrent dans les tranchées et les abris.

Chasseurs du 13e BCA dans les rochers du Roc Noir

A 7h, les chasseurs progressent par bonds, sur le glacis blanc percé de trous d’obus noirs, couverts en parti par des fumigènes. Rapidement les Allemands se ressaisissent et depuis leurs positions dominantes ouvrent feu. Les assaillants parviennent sous les derniers rochers. Des grenades volent dans tous les sens. Le lieutenant Lissner entraîne ses éclaireurs qui prennent pied dans le dispositif ennemi. La progression est de plus en plus difficile. Quatre éclaireurs de la SES sont déjà blessés. La section Chevassus occupe une petite crête mettant ses FM en batterie. Deux postes ennemis sont sérieusement attaqués à la grenade. A bout de forces et de munitions, quatorze gebirgsjagers dont un feldwebel, se rendent et sont rapidement évacués à l’arrière.

Après ce premier succès, les chasseurs du 13e BCA veulent enlever toute les fortifications du Roc-Noir et notamment son point culminant à 2 342 m. Une mitrailleuse lourde MG 42 servie par quelques hommes bloque toute progression. De plus les munitions commencent à manquer pour poursuivre l’attaque. Les chasseurs se contentent d’occuper les positions conquises. Vers 16h, les deux sections sont relevées et peuvent descendre au repos à la Rosière.

Le commandant Héritier pense qu’il est toujours possible de conquérir le sommet du Roc-Noir et le col des Embrasures juste en arrière. La SES remonte en ligne le 25 mars au soir. L’assaut est donné en pleine nuit mais les Allemands sont sur leurs gardes et l’effet de surprise ne joue pas. Les chasseurs sont cloués rapidement au sol par la mitrailleuse lourde du Roc-Noir et les armes automatiques situées au-dessus du col des Embrasures. Les deux mortiers de la Redoute Ruinée entrent en action. Le sergent Vincendet, le sergent-chef Maure et Esposto sont blessés. Rollet est tué d’une balle en pleine poitrine. Le repli est ordonné. Le sergent-chef Filliol est atteint durant le repli par une balle dans le dos. Le tireur FM Cote et son chargeur Merloz couvrent le décrochage par de courtes rafales. Les chasseurs qui sont légèrement atteints doivent se débrouiller par eux même. Serf touché au ventre par deux balles et un éclat est brancardé. Le corps de Rollet est transporté par ses camarades.

Le colonel de Galbert ordonne une nouvelle offensive de grande envergure pour le 27 mars. Le commandant Héritier organise son dispositif d’attaque dans la combe des Moulins en trois groupements. A minuit et demi, la SES de la 5e demi-brigade à skis et la section Maïs en raquettes partent des Eucherts. La progression est difficile dans un épais brouillard. Vers 6h, le commandant héritier informe Desserteaux qu’en raison des conditions atmosphériques, l’heure H est décalée d’une heure. Les deux sections se séparent. La SES Chappaz atteint au lever du jour la cote 2 644. Juste en dessous, le lieutenant aperçoit une baraque une trentaine de mètres en contrebas. Au moment ou les Français arrivent devant la cabane, un Italien en sort. Il est rapidement maîtrisé. Les français pénètrent dans l’abri capturant quatorze prisonniers. Un canon de montagne, découvert à proximité, est saboté. A 11h30, devant le mauvais temps et les difficultés rencontrées par les différents détachements, le commandant Héritier ordonne le repli.

Gebirgsjager devant la Redoute Ruinee

Le groupement centre du capitaine Jégou se heurte dés son départ a un épais brouillard. Quand le jour se lève, les chasseurs se trouvant à découverts, très en dessous de la Redoute Ruinée, sont pris à parti par les mortiers allemands et doivent se terrer sur place toute la journée. Le groupement ouest du capitaine Charve est également en échec au-dessus du refuge du 11e chasseur

Devant le Roc-Noir, la 1ere compagnie du capitaine Caldérini, renforcée de la section Gauthier de la 4e compagnie, se tient prête à partir à l’assaut. A 7h 30 l’artillerie ouvre le feu dans un épais brouillard. Une demi-heure plus tard, à la faveur d’une éclaircie, l’attaque est lancée. La section Gauthier est immédiatement prise sous le feu des armes automatiques ennemies ouvrent le feu. De nombreux hommes sont plus ou moins gravement atteints. Les Français se replient sur les positions de départ.

L’artillerie française doit quitter prochainement le secteur pour aller appuyer l’offensive projetée en Maurienne. Si le commandant Héritier veut bénéficier de son appui, il doit impérativement conquérir le Roc-Noir le 31 mars. Il décide d’effectuer toujours un mouvement tournant, par la combe des Moulins, en direction de l’arrête descendant du Mont-Valezan. Le capitaine Jegou prend le commandement d’un groupement composé des SES de la 5e demi-brigade et du 13e BCA, des sections Chevassus de la 3e compagnie et Gougniez de la 4e. L’attaque frontale sur le Roc-Noir est confiée à la 1ere compagnie du capitaine Caldérini renforcée de la section de l’adjudant Chêne de la 2e compagnie.

Le 30 au soir, le groupement Jégou quitte les Eucherts dans un épais brouillard. A 4h, Jégou se résout à rebrousser chemin. A l’aube du 31 mars, les chasseurs du 13e BCA se préparent à lancer une nouvelle attaque. Les Allemands sont fortement retranchés dans des abris et tranchées à une centaine de mètres. A 8h, le brouillard se lève, dégageant les positions ennemies. Cinq batteries ouvrent le feu pendant une heure. Les pertes allemandes sont lourdes puisque cinquante pour cent de la section qui tient le sommet est hors de combat. A 9h, les chasseurs bondissent des tranchées. La section Chêne s’élance par le versant de la combe des Moulins sous le feu ennemi. Une première tranchée est prise. A la grenade, à coup de fusil, au corps à corps, les chasseurs parviennent au coeur du dispositif ennemi. Les grenades à manche volent de partout, les pistolets-mitrailleurs lâchent de courtes mais précises rafales. L’adjudant Chêne galvanise ses hommes quand il est tué. Autours de lui, les blessés et tués ne se comptent plus. Privés de leurs chef, les chasseurs le la 2e compagnie refluent sur les positions de départ.

Des dizaines de chasseurs gisent sur le glacis entre les positions. Des blessés appellent à l’aide. L’abbé Camille Folliet, aumônier de la 5e demi-brigade décide de se porter à leur secours et est gravement blessé. Le colonel de Galbert apprenant la nouvelle, demande à son officier de liaison, le lieutenant Frison-Roche, le célèbre écrivain, de s’occuper personnellement de l’évacuation de l’aumônier qui décédera d’une septicémie généralisée dans d’atroces souffrances à l’hôpital d’Aix les Bains.

Après ce coûteux échec, un cas de conscience se présente aux officiers. Soit l’attaque est suspendue et les chasseurs du 13e BCA sont tombés pour rien, ou une nouvelle tentative est effectuée. C’est cette seconde solution qui est choisie, les renforts sont appelés en ligne.

A 17h 15 l’artillerie et les mortiers ouvrent le feu de nouveau sur les positions allemandes. Dés que la préparation s’arrête, la section Weber bondit hors de la tranchée suivie de la section Pontaud. Rapidement les deux adversaires sont au contact. Les grenades volent de part et d’autre. Partout le combat fait rage, parfois au corps à corps, à coup de crosse, de pelle voire à mains nues. Les FM de la section Challamel appuient au mieux les assaillants. A 18h, l’ennemi a épuisé toutes ses munitions. Pendant encore quarante-cinq minutes, les gebirgsjagers luttent avec acharnement. Le soir commence à tomber quand les derniers défenseurs se rendent.

Le bilan est lourd : dix-neuf tués et trente et un blessés. Les chasseurs retournent les positions conquises pour faire face à une éventuelle contre-attaque qui ne viendra pas.

 

La pointe de Belleface

La prise du Roc-Noir constitue une réussite pour la 5e demi-brigade. Le 7e BCA, sur la gauche du dispositif, doit tenter de s’emparer de la pointe de Belleface, culminant à 2 857 m. Une reconnaissance aérienne le 7 avril constate que les germano-italiens sont installés plus bas que le sommet, au-dessus de la face sud-est. Pour éviter une attaque frontale trop coûteuse et vouée certainement à l’échec, il décide de tenter une opération par surprise par la face Nord.

Chasseurs du 7e BCA devant la pointe de Belleface

Le 9 avril, à la tombée du jour, la SES Paganon gagne le col de Forcle. A 2h 30, les éclaireurs se mettent en route pour’ rejoindre le pied de la face sud-est. La section Wolf quitte la colonne pour commencer son ascension par ce coté. Les éclaireurs de la SES Paganon chaussent leurs crampons et reprennent l’avance en direction de la combe du Lac-sans-Fond. Arrivés au pied de la face nord-est, les chasseurs commencent sa longue et périlleuse montée. La pente glacée s’incline parfois à 45°. Les crampons mordent bien dans la glace, la progression est rapide. Le capitaine Chevalier, le lieutenant Paganon et les éclaireurs Bozonnet et Gex débouchent sur l’arrête sommitale au lever du jour. A 5h 45, les sacs et piolets sont laissés sur place et les hommes se dispersent. Un Igloo apparaît une vingtaine de mètres en dessous contre lequel se tient une sentinelle frigorifiée, à moitié endormie. Le lieutenant Paganon bondit l’arme au poing, la capturant ainsi que les quatre occupants de l’abri. Cinq autres alpini, dont un officier et un gradé allemand sont capturés dans un second.

Les occupants de la position principale, s’apercevant de la présence française, ouvrent le feu. Les éclaireurs répliquent pendant qu’une fusée verte est tirée, prévenant Wolf du déclenchement de l’attaque. Aussitôt les hommes de cette section partent à l’assaut mais une mitrailleuse se dévoile, les prenant sous son feu. Wolf continue à progresser avec les chasseurs Bertolini, Cohendoz et de quelques autres. Brusquement Bertolini s’effondre, tué par une rafale. Wolf est atteint à son tour par une balle qui lui fracasse la jambe. L’intervention de cette section atteint son but en détournant le feu ennemi de la section Paganon. Des éclaireurs arrivés à courte distance des tranchées ennemies y lancent des grenades. Une douzaine d’alpini sort les bras en l’air. Un Feldwebel allemand gît grièvement blessé dans une tranchée avec la jambe arrachée Une partie de la section Wolf arrive au sommet pendant que le reste évacue son chef. Les chasseurs retournent les positions face à l’Italie en attendant la relève qui arrive tard dans la nuit.

 

La reprise de Belleface

La 5e DBCA occupe maintenant les deux versants du vallon du Reclus, en tenant le Roc-Noir, la pointe du Clapey, le col de Forcle et la pointe de Belleface. Les germano-italiens sont toujours en position à la Redoute Ruinée, au Mont-Valezan, au col du Petit-Saint-Bernard, à l’Hospice, à la Commune et à la pointe de la Lancebranlette.

A la fin avril, la 5e gebirgsdivision doit quitter les Alpes pour renforcer le front d’italien. Les Allemands ne peuvent évacuer leurs positions tant qu’elles sont sous le regard des Français.

Le 21 avril, vers 2h 30, l’artillerie allemande ouvre le feu sur Belleface forçant les chasseurs à se protéger dans les tranchées et divers abris. Le lieutenant Mazelier est légèrement atteint et la ligne téléphonique est coupée. Pendant ce temps, six gebirgsjagers, commandés par l’oberfeldwebel Kreisky, escaladent la face nord-ouest, qui part endroit comporte des difficultés du 5e degré, et occupent le sommet de la pointe d’où ils dominent les positions françaises d’une trentaine de mètres. Au lever du jour, ils lancent une charge concentrée de grenades sur elles et les arrosent à la MG. En même temps une nouvelle attaque se développe sur la face sud-est. Une balle perfore le poste radio, privant les chasseurs de communications. Toute la matinée le combat fait rage. L’adjudant Bochatey et cinq chasseurs sont tués tandis que le lieutenant Mazelier et cinq hommes sont blessés. L’officier, étant à cours de munitions, se rend compte qu’il ne pourra tenir sa position très longtemps. Vers 11h, à la faveur d’une violente tourmente de neige, le reste des défenseurs valides et les blessés légers, décrochent par un couloir de la face ouest. Les blessés graves sont restés dans un igloo, attendant la capture. Péniblement les rescapés arrivent dans les positions françaises où ils apprennent que le col de Forcle à subit le même sort que Belleface.

En effet, à l’aide de pitons et de mains courantes, les Allemands ont organisé un passage le long de la crête descendant de la pointe du Lac-sans-Fond. La section du lieutenant Vivet qui occupe le col, pense être à l’abri d’un coup de main ennemi, protégée en-avant par les positions de Belleface. A 2h 30, les Allemands passent à l’attaque. Un guetteur est blessé tandis qu’un autre donne l’alarme, mais il est trop tard. Les chasseurs sortent précipitamment des igloos sous le feu ennemi, tentent de s’organiser et de répliquer. Rapidement plusieurs hommes sont hors de combat dont le lieutenant Vivet qui est sérieusement blessés à la main avec un pouce arraché. La section est maintenant complètement encerclée. Vers 5h, les chasseurs valides se regroupent puis, tirant de toutes leurs armes, réussissent à forcer le dispositif ennemi en plongeant dans le vallon des Veis soit comme le groupe du sergent Vinit ou en se repliant sur le Combottier. Les pertes sont lourdes pour les chasseurs du 7e BCA : cinq tués, quatre blessés et neuf disparus.

Le commandant de Buttet rameute rapidement la 1e compagnie sur la pointe du Clapey pour empêcher l’ennemi d’exploiter son succès vers le sud-ouest, mais ce dernier n’a aucune intention de poursuivre son attaque. Le 26 avril une ultime patrouille ennemie vient tâter les défenses du Clapey. Deux jours plus tard ce sont les artilleurs allemands qui vident leurs soutes sur les positions françaises. L’observatoire du Nid d’Aigle est particulièrement visé. Le chasseur Viard à le bras arraché et le sergent Gaud est grièvement blessé.

Chasseurs du 13e BCA au Plan-du-repos

En Maurienne, le col du Mont-Cenis vient d’être évacué par les Allemands ce qui permet à la 7e DBCA de pénétrer en Italie. Les Bataillons de Tarentaise sont regroupés pour les suivre et sont remplacés le 27 avril par le 127e FTA ( forces terrestres antiaériennes) qui occupe les différentes positions tenues précédemment par les chasseurs. Mais le lieutenant Laborey du service de renseignements français, qui revient d’Italie, annonce que partout dans la vallée d’Aoste, les Allemands se replient. Immédiatement le colonel de Galbert constitue un détachement commandé par le capitaine Courbe-Micholet et composé uniquement d’éléments de la demi-brigade. Il se porte sur le col de Rhèmes-Calabre et le franchi le 28 avril. Pendant ce temps, le colonel de Galbert effectue des démarches auprès du général Molle pour garder ses bataillons de chasseurs en Tarentaise et les porter sur les cols frontaliers. Le 29 avril, un parlementaire italien vient informer les avant-postes français du repli allemand. A 20h, différentes unités occupent la Redoute Ruinée et l’Hospice. La Tuiles est atteinte le lendemain par la 2e compagnie du 7e BCA. Début mai c’est toute la 5e DBCA qui pénètre en Italie et pousse sur Courmayeur et Aoste. Le 4 mai, les troupes allemandes d’Italie capitulent, la campagne du Petit-Saint-Bernard est terminée, elle a coûté la vie à quatre-vingt-dix Français.